jeudi 15 février 2024

Ordem e progresso ! comme disait le roi Pelé qui le tenait lui-même d’Auguste Comte. Ordem ça peut vouloir dire, dans le domaine de l’écrit par exemple, que les papiers sont bien rangés et progresso ça peut vouloir dire, toujours dans le même domaine, qu’ils sont accessibles à tous, facilement, car lisibles et correctement rédigés.

C’est d’ailleurs ce progresso qui a sonné le glas de l’entraînement au geste scriptural qui n’a plus cours qu’à l’école durant les quelques années où il faut bien faire patienter la cohorte des futurs exécutants au service de l’élite.

Non ! Ne partez pas ! Ceci n’est pas un billet politique mais bien une ode au progrès, vous l’allez comprendre tantôt.

Jadis, pour écrire, on avait besoin de papier, d’un objet scripteur et d’une main avec quatre ou cinq doigts pour tenir et diriger l’outil. Aujourd’hui, un écran, un clavier et deux doigts suffisent. Et c’est tant mieux ! C’est tant mieux car cela évite, outre l’effort de déchiffrage de certains hiéroglyphes, tout un tas de problèmes dont celui qui va être évoqué dans les lignes qui suivent n’est pas le moindre.

Lorsqu’on écrivait à la papa, dans un cahier relativement épais dont la tranche était rigide, le confort d’écriture était, d’une page à l’autre, très différent. Au début du cahier, sur les pages de droite, le stylo glissait sur la feuille confortablement posée sur une pile conséquente d’autres feuilles alors que, sur les pages de gauche, en équilibre précaire sur une quantité limitée de feuilles et sur la couverture posées sur le vide (car je vous rappelle que ces feuilles qui ne pouvaient s’écraser sur le bureau compte-tenu de la tranche rigide formaient l’hypoténuse d’un triangle rectangle dont le côté adjacent était le bureau et le côté opposé la tranche) le stylo crissait, en position inconfortable, et donnait naissance à des écrits hésitants et dysharmoniques.

De nombreuses recherches avaient, à l’époque, été entreprises pour pallier ce problème et plusieurs solutions avaient été trouvées. L’on avait tout d’abord, juste après la guerre, quand les ressources planétaires étaient inépuisables, proposé de n’écrire que sur les pages du milieu, pages pour lesquelles la tranche rigide du cahier se tenait plus ou moins parallèle à la surface du bureau avec une pile de pages conséquente des deux côtés offrant un confort d’écriture équivalent à gauche et à droite. Plus tard, dans l’effervescence qui avait suivi les mouvements du printemps 1968, il avait été préconisé de n’écrire que sur les pages de droite jusqu’au milieu du cahier que l’on pouvait alors retourner  pour revenir au début en n’écrivant que sur les pages de gauche. Grâce à cette volte-face, le confort d’écriture restait optimal. Ce n’est qu’après le second choc pétrolier que l’on prit conscience de l’importance de remplir également la deuxième partie du cahier et que l’on mit au point la solution qui prévalut jusqu’à la fin du siècle. Les cahiers étaient d’abord remplis comme après 1968, fermés puis doublement retournés de manière à ce que la quatrième de couverture devienne la première  et que les feuilles déjà noircies aient la tête en bas. L’on pouvait alors réitérer la procédure, à savoir écrire sur les pages de droite jusqu’au milieu, retourner le cahier pour revenir au début (qui était en fait la fin) en écrivant sur les pages de gauche. Les cahiers étaient alors entièrement remplis dans les meilleures conditions d’écriture possibles. Seul inconvénient du système, les conditions de lecture qui étaient, elles, un poil plus compliquées…

Et c’est bien le progrès qui, de deux doigts martelant d’abord les touches d’un clavier d’ordinateur puis effleurant simplement la surface vitrée d’un mobile multifonction ou d’une tablette connectée, a relégué aux oubliettes, tant qu’il y aura du courant dans la prise, cette contrainte de l’écriture manuscrite dans un cahier !

Ordem e progresso e eletricidade ! donc…

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