mardi 2 août 2022

     Quittant les champs de blé fraîchement moissonnés du plateau, la petite route serpente à travers une forêt de haute futaie en direction de la vallée. Au détour d’un virage, planté à flanc de talus, un panneau H 32 correspondant, d’après l’instruction interministérielle sur la signalisation routière, à l’indication d’une curiosité ou d’un lieu touristique, complétée par la direction à suivre ainsi que par un message graphique.

Un éléphant, bon. Un tigre, d’accord. Et deux skieurs, ou plus exactement un skieur et un plancheur à neige… L’automobiliste en reste, à tout le moins, interloqué.

La piste, dûment goudronnée, est agrémentée en son milieu de lignes blanches plus ou moins continues, sa petite citadine n’a rien d’un véhicule tout-terrain à quatre roues motrices et la forêt qu’il vient de traverser est peuplée d’essences à feuilles caduques (hêtres, chênes, charmes, …) caractéristiques des milieux tempérés. Il ne traverse donc pas un parc naturel subsaharien.

Il s’arrête, coupe le moteur et descend. Tendant l’oreille, il ne perçoit ni le tintement des clarines ni la plainte grave du cor. Pas même la moindre yodlée. Levant les yeux, il ne distingue nulle crête déchiquetée, nul manteau blanc immaculé. Il est vêtu d’un sous-vêtement en coton, d’une paire de culottes courtes, chaussé de sandales de plage en plastique et il n’a pas froid. Il ne traverse donc pas l’une de ces zones d’altitude dédiées à la pratique des sports divers en général et nivéens en particulier.

Quid alors de ce panneau ?

L’éléphant, le tigre, … un parc animalier peut-être, ou un zoo. Sous ces latitudes, c’est malheureusement possible. Mais alors que viendraient y faire les aficionados de Marielle Goitschel et de Jean-Claude Killy ?

L’automobiliste curieux remonte à bord de son véhicule et décide de suivre la direction indiquée par le panneau. Après avoir traversé quelques bourgs assoupis, défraîchis et cités-dortoirisés par la proximité géographique d’un petit paradis fiscal avide de main d’œuvre, après avoir contemplé moult ruines rubigineuses d’un passé industriel disparu, il arrive à destination par le quartier de la ville dit « de la cimenterie ».

Et là, qu’y découvre-t-il ?

Sur un immense terril, que l’on appelle ici « crassier », au milieu des restaurants, hôtels, piscine, patinoire, salle de spectacle, salles de cinéma, zoo, aquarium, parcours dans les arbres, terrain de golf, institut de beauté et autre centres de cure thermale, un « domaine skiable » couvert dans lequel la neige artificielle est maintenue, été comme été, à une température inférieure à 0°C, pour le plus grand plaisir de ceux qui, ne pouvant s’adonner à leur passion en hiver quand ils prennent l’avion pour aller bronzer sous les tropiques, préfèrent dévaler les pistes en été.

Notre automobiliste remonte alors dans son véhicule dont il démarre le moteur à explosion, il ouvre les vitres et pousse la climatisation à fond  en espérant secrètement que c’est sa petite goutte d’eau à lui qui fera déborder le vase dont le flot salvateur finira par l’emporter, rapidement et définitivement, avec la cohorte de ses semblables.

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Quelque chose à rajouter ? ...