mercredi 17 avril 2019


« Quelle aubaine pour les spin doctors (conseillers en communication) spécialistes du storytelling (mise en récit) ! » aurais-je pu m’écrier ce soir-là si je n’avais un peu de mal à digérer la jelly (gelée), avant de tenter à chaud – exercice ô combien périlleux – de coucher mes impressions sur le papier dont je vous livre ci-dessous la substantifique moelle agrémentée d’une petite réflexion a posteriori :



Paris brûle-t-il ? Paris, non mais Notre Dame oui. C’est l’information dont je prends connaissance alors que je séjourne tout provisoirement en un lieu dans lequel, comme dans moult logis, les feux de l’actualité, crachés par un écran plat de 80 par 50 à la louche, éclairent mon visage figé dans une expression de relative surprise car, prenant place chez mes chers géniteurs dans ce canapé qui fait face au rectangle animé, je me préparais à écouter l’intervention que le pays entier attendait depuis qu’on lui serinait que l’évènement était capital. La scène à laquelle j’assiste en tant que téléspectateur est toute autre : la cathédrale Notre Dame de Paris, bijou de l’art gothique construit il y a plus de huit cents ans est donc la proie des flammes.

Le fait est en soi regrettable, tout aussi regrettable qu’ont pu l’être la destruction des manuscrits de Tombouctou ou celle des Bouddhas de Bâmiyân à la différence notable qu’il n’est a priori pas dans ce cas l’« œuvre » de puissances fanatiques, obscurantistes et incultes.

Au-delà de l’évènement dramatique que l’on pourrait qualifier de catastrophe s’il avait été funeste, ce qu’il ne fut pas puisqu’il n’y a pas eu mort d’homme, il y a le traitement médiatique de la chose. Et cela, même à chaud (surtout à chaud ?), c’est d’ores et déjà du grand art !

J’apprends simultanément que l’intervention présidentielle concernant les décisions du pouvoir exécutif suite à la tenue de grand débat suite au mouvement de mécontentement des gilets jaunes est reportée à une date ultérieure. Soit. La décision se comprend d’autant mieux que, dans ce cas là non plus, il n’y a pas mort d’homme. Les jours à venir nous diront si, oui ou non, la montagne accouchera d’une souris.

Face au traitement médiatique de ce fait divers hautement symbolique, je me dis que celui qui n’est pas exposé quotidiennement à ce torrent d’images et de déclarations d’une amphigourique théâtralité imposant un prêt-à-penser rigoureusement formaté auquel il est presque impossible d’échapper, ne connaît pas la chance qu’il a de pouvoir préserver l’un de ses biens les plus chers : sa liberté de conscience.

Le pilonnage d’images-chocs, qui n’est pas sans rappeler celui d’un certain 11 septembre, complété par le choix des intervenants exprimant tous, dans un œcuménisme parfait, que nous assistons ni plus ni moins qu’à une répétition du début de l’apocalypse, me laisse en bouche sinon un goût amer, tout du moins la nette impression que, soumis à ce flot d’informations storytellées de main de maître, je me fais encore balader et que je dois définitivement, si je persiste à vouloir (utopie ?) penser par moi-même, me laver de toute cette boue médiatique.

Je suis effaré par la manière dont l’« information » (avec de gros guillemets) se construit et par la récupération tant politique que communicationnelle qui est faite de l’évènement. Les discours des grands de ce (petit) monde et le montant indécent des subventions proposées par de « généreux mécènes » doivent faire pâlir de rage toutes celles et tous ceux qui s’échinent à longueur de journée à tenter de sauver les hommes.

En conclusion, et ce n’est là que mon avis sur la question : un symbole s’est cassé la gueule, ok. Mais, contrairement à la mort d’un « plaisancier » sur une coquille de noix en Méditerranée ou dans la Manche par exemple, le phénomène est réversible. Si on le juge important ou nécessaire, on pourra reconstruire l’édifice. En attendant, l’essentiel reste noyé dans un épais nuage de fumée qui continuera longtemps à nous aveugler alors que les poutres noircies de la charpente de la cathédrale sont déjà froides.

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