Je croisai
tantôt, au beau milieu de la foule d’un dimanche après-midi, une jouvencelle à
mi-chemin entre la bambine et la femme affirmée vêtue assez classiquement d’une
paire de jeans et d’un tee-shirt, le soleil brillait généreusement. Je n’eus le
loisir d’observer ni son visage ni sa silhouette, seul m’est resté en mémoire
le slogan imprimé sur le vêtement qui couvrait décemment son buste juvénile.
Je ne
baguenaudais pas ce jour-là dans une ville hexagonale mais dans la capitale
régionale d’un pays frontalier. Le cordon ombilical liant les églises et l’état
n’y a pas encore été coupé mais il semble qu’on y jouisse d’une liberté d’expression
équivalente à celle qui prévaut dans notre beau pays.
Il était donc
normal que j’y croise, effet de mode se riant des barrières tant linguistiques
que douanières, quelque quidam(e) arborant sur son plastron la pensée profonde
qu’elle faisait sienne et qu’elle souhaitait porter à la connaissance de
quiconque la croisait.
Le message était
rédigé dans un sabir que j’identifiais immédiatement comme étant ce nouvel
espéranto des temps modernes que l’on appelle globish (de global,
planétaire et english, anglais) connu
également sous le nom d’« anglais d’aéroport ».
Je traduisis
immédiatement le dernier terme aidé il est vrai par le fait qu’il s’agissait d’un
mot que l’on dit transparent c'est-à-dire qui s’écrit et/ou se prononce de la
même façon dans deux langues différentes. Ce mot était le suivant : animals. Il devait donc, en toute
logique y être question d’animal et même de plusieurs animals puisque le « s »
terminal avait de grandes chances de marquer le pluriel. Je décidai donc de le
traduire par « animaux ».
Animals était précédé de not. Puisant dans mes rudiments de vocabulaire anglo-saxon, j’en
déduisis que ces trois petites lettres devaient indiquer la négation. J’hésitai
cependant à énoncer, en bon français, une traduction précise de l’ensemble. S’agissait-il
de « pas les animaux » ou de « pas des animaux » ? La
nuance, entre défini et indéfini, pouvait éventuellement avoir son importance. Je
tentai dès lors, afin de lever le doute, de trouver le sens des deux premiers mots
qui complétaient le message.
Le lexique de
base, pour touriste du même acabit, de mon guide de voyage indiquait que eat signifiait « manger », « mange »
ou « mangez » s’il était conjugué. Si la signification de la phrase
restait encore quelque peu sibylline, les choses commençaient néanmoins à s’éclaircir.
La donzelle me proposait donc de manger quelque chose, ce quelque chose que je
n’avais pas encore défini, qui se révèlerait être autre chose que des animaux. Je
touchai au but, il s’agissait, à coup sûr, d’un message végétarien voulant m’inciter
à ne pas consommer de chair animale. Certainement des fruits, des légumes, des
céréales ou encore des loukoums.
Par acquit de
conscience, je souhaitai quand même traduire le dernier mot. Hélas, trois fois
hélas, mes connaissances limitées dans la langue de Shakespeare, eut-il pris l’avion,
ne me permirent pas de comprendre le sens de pussy.
La première
chose que je fis, en rentrant chez moi, fut de me plonger dans les pages de mon
dictionnaire français-anglais/anglais-français que j’avais par nostalgie et
sentimentalisme conservé depuis mon passage au collège.
Imaginez mon
hébétude, mon incompréhension et ma stupéfaction quand je découvris que pussy signifiait ni plus ni moins que « minou »,
autant dire « chat ».
Je reste depuis
lors plongé dans des abîmes de perplexité en ressassant l’injonction pour le
moins antinomique qui, en ce beau dimanche après-midi, m’a été faite par
hasard, sur support textile dans une métropole bavaroise de, je cite, « manger
du chat, pas des animaux »…
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