L’eau.
L’eau, source de vie.
L’eau, source d’emmerdes
aussi…
Elle a pourtant généralement
bonne presse l’eau – mais en ces temps troublés, est-ce un atout ? –
puisqu’elle forme avec l’air et la terre la trinité de la vie. C’est Melle
Dupin, mon professeur de sciences naturelles du collège qui me l’a appris. À bien
y réfléchir, elle n’a pas du employer le
terme de « trinité » que j’ai plutôt du entendre dans la bouche de Melle
Duvain, mon professeur de religion, mais ces deux icônes pubertaires ont, près
d’un demi-siècle plus tard, au seuil de la sénilité, tendance à se mélanger dans
mon esprit pour ne plus former qu’une seule et même idole féminine et de toutes
façons ce n’est absolument pas le sujet que je voulais aborder aujourd’hui
mais, que voulez-vous, l’andropause aidant, je ne fais pas qu’engraisser, je
digresse également, veuillez m’en excuser.
L’eau donc,
car c’est bien d’une histoire d’eau dont il s’agit aujourd’hui. Une histoire d’eau
ayant pour cadre un décor intime où tout un chacun se retrouve habituellement a
minima partiellement dévêtu.
Cette eau qui ne sait pas
rester en place et qui, vous l’aurez certainement déjà remarqué, a souvent une
fâcheuse tendance à s’écouler alors que ce n’est forcément toujours ce que l’on
attend d’elle. Si cette propension à couler peut, je vous l’accorde, parfois s’avérer
bien pratique, ne serait-ce que pour alimenter certaines expressions toutes
faites de notre prêt-à-parler comme par exemple « se faire couler un bain »
ce qui, soit-dit entre nous, n’a guère de sens puisque, dans ce cas particulier
qui rejoint le général, ce n’est bien sûr pas le bain qui coule mais encore une
fois l’eau, l’eau du bain certes, parfois accompagnée d’un bébé, que l’on finit immanquablement par
jeter (notez ici l’importance capitale de la virgule qui, si on la supprimait,
induirait la perpétration d’un acte qui aurait été, avant M. Badinter, passible
de la peine du même nom) et, dont la propriété mentionnée – le fait de couler –
est dans ce cas précis – le fait de s’en débarrasser– plutôt intéressante, elle
(la propension à couler) réserve souvent quelques désagréments.
Cette eau pour laquelle l’homme,
la femme aussi parfois mais c’est quand même plus souvent l’homme qui s’y colle
alors que, à titre personnel, il ne me déplairait pas que la femme fît quelque
effort pour, parfois, prendre à bras le corps le problème ce qui me
permettrait, pendant ce temps, de cuisiner un pot-au-feu, de repasser quelques
chemises ou d’aller retrouver mes amis à une réunion tupèrouère, cette eau pour
laquelle l’homme donc s’est de tous temps ingénié à concevoir des canaux lui
permettant, suivant ainsi sa pente naturelle, de s’écouler depuis le lieu où
elle se trouve vers le lieu où l’on souhaiterait la trouver, m’a causé tantôt
bien des soucis et c’est de son épanchement impromptu dont je voulais aujourd’hui
à votre oreille m’épancher.
Vous savez peut-être, si vous
me connaissez un tantinet, qu’à l’instar de l’un de ces illustres maîtres qui m’ont
fait aimer les mots, je hais les haies. Pas toutes les haies, entendons-nous
bien, je ne hais pas les haies du bocage normand qui embellissent le paysage,
freinent l’érosion des sols et abritent tant de jolis zoziaux qui cui-cuitent à
qui mieux-mieux, je hais les haies du bocage pavillonnaire, les haies de
thuyas. Et bien sachez qu’outre ces haies, je hais également, sans aucun autre
rapport entre les deux objets que celui de ce sentiment violent, irrépressible
et dangereux, les magasins de bricolage. Pourquoi donc ? me demanderez-vous
ce à quoi je vous répondrai que c’est peut-être parce que j’y ai le sentiment
de me trouver en milieu hostile, entouré d’une foultitude d’outils de torture
conçus pour réaliser d’innombrables tâches que je n’ai, à aucun moment, envie d’accomplir.
Or donc, pas plus tard que
mercredi, qui est quand même le jour des enfants, catégorie à laquelle je
revendique encore, malgré ma calvitie patente, mes rides qui se creusent et mon
Dossier Médical Partagé qui vire au bottin numérique, d’appartenir, je me suis
retrouvé propulsé en terra incognita
et indesiderata avec pour mission d’en
ramener un robinet et un flotteur.
J’aurais pu y laisser ma peau,
j’en suis revenu. J’en suis revenu et j’ai réussi, après moult tours de rayons,
de linéaires (particulièrement difficiles à circonscrire), puis de passe-passe
et de clés à molette à contraindre cette eau qui ne pensait qu’à couler en
dehors des conduits que je lui avais assignés, à stagner à l’endroit qui lui
était désigné lui permettant néanmoins de couler périodiquement, mais à mon
injonction seulement, quand je décide qu’il est temps de tirer la chasse.
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