samedi 23 novembre 2019


Depuis quelque temps déjà, mon deuxième cerveau a fini d’expulser les résidus du potiron de la veille de la Toussaint et la dinde de Noël, pour peu qu’elle ne soit pas graciée par le facétieux palmipède étatsunien déguisé en pachyderme peroxydé, est encore loin. De surcroît, personne ne m’a averti de l’imminence de la date des réjouissances consuméristes du vendredi noir à venir. J’éprouve une sensation de fatigue générale et vague, une inaptitude à l’action, au mouvement. En un mot, je suis las.
Que faire ?
Je cherche en premier lieu à trouver un sens à ma vie. Je suis surpris par la rapidité avec laquelle je parviens au bout de cette recherche. Du début vers la fin, voilà le sens. Consécutivement à cette découverte, je m’ennuie derechef. La question se pose donc à nouveau :
Que faire ?
Pourquoi ne pas me mettre en quête de la beauté qui, j’en suis convaincu, existe en (presque) toute chose. L’idée d’aller déambuler sous les palmiers d’une oasis jaillit dans mon esprit. Ne disposant, à proximité de mon domicile, que d’une Oasis 3*, je tente le tout pour le tout et m’y rend à bord de mon automobile. Arrivé sur place, j’effectue illico, sans même descendre de mon véhicule, un demi-tour (facilité il est vrai par la présence d’un rond-point) et m’en retourne dare-dare en me félicitant d’avoir mentionné un « presque » entre parenthèses au début de ce paragraphe.
Au rond-point suivant, mon attention est attirée par un panneau de bois planté à même l’herbe grasse du bas-côté et supportant une affiche annonçant la tenue prochaine d’un « Salon du chiot ». Je continue mon chemin l’esprit désormais occupé par la pensée qui y a jailli. De retour à mon logis, je consulte plusieurs dictionnaires qui m’assènent tous la même vérité : un chiot est un jeune chien. Curieux, me dis-je, quelle est donc la raison de la tenue d’une telle manifestation genrée ? Existe-t-il par ailleurs des « Salons de la jeune chienne » ou, plus extraordinaire encore, les chiens naissent-ils tous de sexe mâle et une partie d’entre eux réalise-t-elle une mutation transsexuelle en devenant adulte ?
Compulsant et croisant frénétiquement toutes les sources d’information à ma disposition, je fais chou-blanc. Je ne trouve aucune réponse à la question que je me pose et je me vois contraint de constater l’évidence sexiste : le jeune chien est un chiot et la jeune chienne n’a pas de nom. Cette recherche me met cependant la puce à l’oreille, n’y aurait-il pas un coin de voile à relever pour mettre en lumière les beautés parfois cachées de la langue ?
Revenant donc à ma quête, me voici parti sur les sinueux sentiers lexicographiques. Je fais presque immédiatement fausse route et me retrouve, grâce à une erreur homonymique, en présence du Général qui clame de sa voix tonitruante : « la réforme, oui ; la chien lit, non ». Pensant d’abord être à nouveau confronté à un problème de genre, je remets rapidement en cause mon hypothèse face à l’érudition bien connue du Grand Homme qui a certainement voulu exprimer autre chose. Je finis par prendre conscience de mon erreur : pas d’espace entre les deux mots qui en fait n’en font qu’un. La chienlit donc et pas la chien lit. Me voici dès lors propulsé en plein Carnaval, au milieu d’une mascarade tumultueuse et désordonnée, autrement dit en pleine pagaille ou encore pagaïe compte-tenu de la rapidité de la navigation à la pagaie qui évoquerait l’idée de désordre. Le désordre, antonyme de l’ordre qui, depuis Charles Baudelaire, est intimement lié à … la beauté !
Relevant la tête, je m’aperçois alors que la nuit est tombée. Quelle belle après-midi j’ai passée ! Les brumes pesantes de l’ennui se sont dissipées, j’ai réussi à contempler quelque once de beauté et je vais maintenant pouvoir m’abandonner à la volupté des traditionnelles libations saturnales.
À votre santé ! 

* : voir post du 6 octobre 2019

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