Depuis quelque temps déjà, mon
deuxième cerveau a fini d’expulser les résidus du potiron de la veille de la
Toussaint et la dinde de Noël, pour peu qu’elle ne soit pas graciée par le
facétieux palmipède étatsunien déguisé en pachyderme peroxydé, est encore loin. De
surcroît, personne ne m’a averti de l’imminence de la date des réjouissances
consuméristes du vendredi noir à venir. J’éprouve une sensation de fatigue
générale et vague, une inaptitude à l’action, au mouvement. En un mot, je suis
las.
Que faire ?
Je cherche en premier lieu à
trouver un sens à ma vie. Je suis surpris par la rapidité avec laquelle je parviens
au bout de cette recherche. Du début vers la fin, voilà le sens.
Consécutivement à cette découverte, je m’ennuie derechef. La question se pose
donc à nouveau :
Que faire ?
Pourquoi ne pas me mettre en
quête de la beauté qui, j’en suis convaincu, existe en (presque) toute chose.
L’idée d’aller déambuler sous les palmiers d’une oasis jaillit dans mon esprit.
Ne disposant, à proximité de mon domicile, que d’une Oasis 3*, je tente le tout
pour le tout et m’y rend à bord de mon automobile. Arrivé sur place, j’effectue
illico, sans même descendre de mon véhicule, un demi-tour (facilité il est vrai
par la présence d’un rond-point) et m’en retourne dare-dare en me félicitant
d’avoir mentionné un « presque » entre parenthèses au début de ce
paragraphe.
Au rond-point suivant, mon
attention est attirée par un panneau de bois planté à même l’herbe grasse du
bas-côté et supportant une affiche annonçant la tenue prochaine d’un
« Salon du chiot ». Je continue mon chemin l’esprit désormais occupé
par la pensée qui y a jailli. De retour à mon logis, je consulte plusieurs
dictionnaires qui m’assènent tous la même vérité : un chiot est un jeune chien.
Curieux, me dis-je, quelle est donc la raison de la tenue d’une telle
manifestation genrée ? Existe-t-il par ailleurs des « Salons de la
jeune chienne » ou, plus extraordinaire encore, les chiens naissent-ils tous
de sexe mâle et une partie d’entre eux réalise-t-elle une mutation
transsexuelle en devenant adulte ?
Compulsant et croisant
frénétiquement toutes les sources d’information à ma disposition, je fais
chou-blanc. Je ne trouve aucune réponse à la question que je me pose et je me
vois contraint de constater l’évidence sexiste : le jeune chien est un chiot et la jeune chienne n’a
pas de nom. Cette recherche me met cependant la puce à l’oreille, n’y aurait-il
pas un coin de voile à relever pour mettre en lumière les beautés parfois
cachées de la langue ?
Revenant donc à ma quête, me
voici parti sur les sinueux sentiers lexicographiques. Je fais presque
immédiatement fausse route et me retrouve, grâce à une erreur homonymique, en
présence du Général qui clame de sa voix tonitruante : « la réforme,
oui ; la chien lit, non ».
Pensant d’abord être à nouveau confronté à un problème de genre, je remets
rapidement en cause mon hypothèse face à l’érudition bien connue du Grand Homme
qui a certainement voulu exprimer autre chose. Je finis par prendre conscience
de mon erreur : pas d’espace entre les deux mots qui en fait n’en font
qu’un. La chienlit donc et pas la chien lit. Me voici dès lors propulsé
en plein Carnaval, au milieu d’une mascarade tumultueuse et désordonnée,
autrement dit en pleine pagaille ou encore pagaïe compte-tenu de la rapidité de
la navigation à la pagaie qui évoquerait l’idée de désordre. Le désordre,
antonyme de l’ordre qui, depuis Charles Baudelaire, est intimement lié à … la
beauté !
Relevant la tête, je
m’aperçois alors que la nuit est tombée. Quelle belle après-midi j’ai
passée ! Les brumes pesantes de l’ennui se sont dissipées, j’ai réussi à contempler
quelque once de beauté et je vais maintenant pouvoir m’abandonner à la volupté
des traditionnelles libations saturnales.
À votre santé !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Quelque chose à rajouter ? ...