dimanche 6 octobre 2019


Oasis…
Une oasis est un endroit d’un désert qui présente de la végétation due à la présence d’un point d’eau. Par métaphore, il s’agit d’un lieu ou d’un moment reposant, d’une chose agréable dont on jouit dans un milieu hostile, une situation pénible…
C’est Robert, pas celui qui est en vacances mais celui du dictionnaire, qui nous fournit cette antique définition. Si vous ne savez pas encore où je vais en venir, peut-être un mot de la phrase précédente vous interpelle-t-il.
Je vous laisse le temps de la relire.
Là, logiquement, vous vous demandez pourquoi j’ai adjoint le qualificatif d’antique au substantif définition
Si vous êtes intime avec Robert ou avec son amie la Rousse, vous vous interrogez peut-être, faisant référence au sens premier, vieux, de l’adjectif (qui appartient à un lointain passé), sur la pertinence de ce choix. Sachez donc que l’acception que je lui donne dans ma phrase est la seconde, la moderne, actuelle, contemporaine. Et la définition moderne d’antique est quelque peu différente de l’ancienne, mâtinée de péjoration : usé, vétuste.
J’affirme donc, au vu du contre-exemple que je vais développer, que la définition du nom oasis de Robert est antique et j’ajouterais dépassée, caduque, antinomique.
Qu’est-ce qu’une oasis ici et maintenant ?
Le « ici » et le « maintenant » ont bien entendu une importance fondamentale et j’ouvre une petite parenthèse pour présenter mes excuses aux potentiels lectrices et lecteurs qui ne me liraient pas depuis l’aire d’influence de la métropole haut-saônoise ainsi qu’aux attentifs yeux étatsuniens qui vont de pair avec les grandes oreilles de la NSA et qui pourront d’ores et déjà traduire mon oasis par dead mall to be. Je ferme la parenthèse. Les autres, polyglottes avertis, auront déjà compris ce dont je vais à présent les entretenir.
La Haute-Saône nous est, depuis quelques années, vendue par les mercaticiens du Conseil Général comme l’Île Verte. Une île peut-être en soi considérée comme une oasis de verdure et d’eau pure dans un océan d’écume, de déchets plastiques et d’eau salée. Notre Île Verte à nous serait donc cette oasis, ce lieu reposant, cette chose agréable au milieu de l’environnement hostile que constituent les départements du Territoire de Belfort, du Doubs, du Jura, de la Côte d’Or, de la Haute-Marne et des Vosges. Au sein de cette oasis, une nouvelle oasis a vu le jour. Mise en abyme ? Pas du tout puisque la définition de la néoasis prend en tous points le contre-pied de celle de l’archéoasis.
Les versions 1 et 2 de l’Oasis (notez la majuscule indiquant l’ironique promotion du nom dans la catégorie « propre ») avaient déjà de quoi défrayer la chronique et je m’étonne, en passant, du fait que la nouvelle de leur avènement ne soit pas arrivée aux oreilles de Robert. Mais la version 3, qui aurait tout aussi bien pu être cyniquement intitulée 3.0, relèguerait presque les deux précédentes au rang de véritable oasis, ou d’archéoasis si vous préférez. Vous me suivez toujours ? Alors je continue.
L’Oasis 3 est une Zone (notez également la majuscule prétentieuse), une Zone commerciale ni plus ni moins hideuse que toutes celles qui défigurent les périphéries de nos villes en en vidant, par le système bien connu des vases communiquant, les centres. Elle est, et c’est en cela que se révèle l’antinomie de la nouvelle définition, une tache de laideur au milieu d’un environnement d’une relative beauté, un fatras de bâtiments et de surfaces asphaltées hostiles au sein d’un décor agréable. Pour quoi ? Pour qui ? Pour les quelques deux cent mille consommateurs du département qui ne trouveraient pas leur compte d’enseignes commerciales à Belfort, Montbéliard ou Besançon ? Pour les grincheux qui trouveraient que les centaines de places de parking gratuites de Vesoul intra-muros ne sont pas suffisantes ? Je n’ose le croire. Ma réponse est plus lapidaire : pour nourrir l’accrétion de la chimère (barrez l’intrus) capitaliste - mercantile- velue - néolibérale.
Allons-nous voir nos villes devenir, au mieux, des parcs urbains, comme il existe déjà paradoxalement des parcs naturels, dans lesquels ne vivront plus que quelques spécimens (en voie de disparition) de commerçants de proximité ? Je le crains.
Je souhaite donc à l’Oasis 3, même si c’est un vœu pieux et au risque de me mettre à dos une majorité(?) de nos concitoyens, la même fin que celle de la grenouille de Jean de La Fontaine ou, plus prosaïquement, que celle des dead malls étatsuniens sus-cités.

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