Oasis…
Une oasis est un endroit d’un
désert qui présente de la végétation due à la présence d’un point d’eau. Par
métaphore, il s’agit d’un lieu ou d’un moment reposant, d’une chose agréable
dont on jouit dans un milieu hostile, une situation pénible…
C’est Robert, pas celui qui
est en vacances mais celui du dictionnaire, qui nous fournit cette antique définition.
Si vous ne savez pas encore où je vais en venir, peut-être un mot de la phrase
précédente vous interpelle-t-il.
Je vous laisse le temps de la relire.
Là, logiquement, vous vous
demandez pourquoi j’ai adjoint le qualificatif d’antique au substantif définition…
Si vous êtes intime avec Robert
ou avec son amie la Rousse, vous vous interrogez peut-être, faisant référence
au sens premier, vieux, de l’adjectif (qui
appartient à un lointain passé), sur la pertinence de ce choix. Sachez donc
que l’acception que je lui donne dans ma phrase est la seconde, la moderne,
actuelle, contemporaine. Et la définition moderne d’antique est quelque peu différente de l’ancienne, mâtinée de
péjoration : usé, vétuste.
J’affirme donc, au vu du
contre-exemple que je vais développer, que la définition du nom oasis de Robert est antique et j’ajouterais
dépassée, caduque, antinomique.
Qu’est-ce qu’une oasis ici et
maintenant ?
Le « ici » et le « maintenant »
ont bien entendu une importance fondamentale et j’ouvre une petite parenthèse pour
présenter mes excuses aux potentiels lectrices et lecteurs qui ne me liraient
pas depuis l’aire d’influence de la métropole haut-saônoise ainsi qu’aux attentifs
yeux étatsuniens qui vont de pair avec les grandes oreilles de la NSA et qui
pourront d’ores et déjà traduire mon oasis
par dead mall to be. Je ferme la
parenthèse. Les autres, polyglottes avertis, auront déjà compris ce dont je vais
à présent les entretenir.
La Haute-Saône nous est,
depuis quelques années, vendue par les mercaticiens du Conseil Général comme l’Île
Verte. Une île peut-être en soi considérée comme une oasis de verdure et d’eau
pure dans un océan d’écume, de déchets plastiques et d’eau salée. Notre Île
Verte à nous serait donc cette oasis, ce lieu reposant, cette chose agréable au
milieu de l’environnement hostile que constituent les départements du Territoire
de Belfort, du Doubs, du Jura, de la Côte d’Or, de la Haute-Marne et des Vosges.
Au sein de cette oasis, une nouvelle oasis a vu le jour. Mise en abyme ?
Pas du tout puisque la définition de la néoasis prend en tous points le
contre-pied de celle de l’archéoasis.
Les versions 1 et 2 de l’Oasis
(notez la majuscule indiquant l’ironique promotion du nom dans la catégorie « propre »)
avaient déjà de quoi défrayer la chronique et je m’étonne, en passant, du fait
que la nouvelle de leur avènement ne soit pas arrivée aux oreilles de Robert.
Mais la version 3, qui aurait tout aussi bien pu être cyniquement intitulée 3.0,
relèguerait presque les deux précédentes au rang de véritable oasis, ou d’archéoasis
si vous préférez. Vous me suivez toujours ? Alors je continue.
L’Oasis 3 est une Zone (notez
également la majuscule prétentieuse), une Zone commerciale ni plus ni moins
hideuse que toutes celles qui défigurent les périphéries de nos villes en en
vidant, par le système bien connu des vases communiquant, les centres. Elle est,
et c’est en cela que se révèle l’antinomie de la nouvelle définition, une tache
de laideur au milieu d’un environnement d’une relative beauté, un fatras de
bâtiments et de surfaces asphaltées hostiles au sein d’un décor agréable. Pour
quoi ? Pour qui ? Pour les quelques deux cent mille consommateurs du
département qui ne trouveraient pas leur compte d’enseignes commerciales à
Belfort, Montbéliard ou Besançon ? Pour les grincheux qui trouveraient que
les centaines de places de parking gratuites de Vesoul intra-muros ne sont pas
suffisantes ? Je n’ose le croire. Ma réponse est plus lapidaire :
pour nourrir l’accrétion de la chimère (barrez l’intrus) capitaliste -
mercantile- velue - néolibérale.
Allons-nous voir nos villes
devenir, au mieux, des parcs urbains, comme il existe déjà paradoxalement des
parcs naturels, dans lesquels ne vivront plus que quelques spécimens (en voie
de disparition) de commerçants de proximité ? Je le crains.
Je souhaite donc à l’Oasis 3,
même si c’est un vœu pieux et au risque de me mettre à dos une majorité(?) de
nos concitoyens, la même fin que celle de la grenouille de Jean de La Fontaine
ou, plus prosaïquement, que celle des dead malls étatsuniens sus-cités.
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