jeudi 3 septembre 2020

 

Je me suis récemment adonné à une activité passionnante. Cette besogne gratifiante n’est malheureusement pas accessible à tous car elle nécessite, excusez du peu, de posséder une cour pavée.

Niché au cœur d’une riante zone pavillonnaire en milieu suburbain, mon logis doux logis possède ce type de surface s’étendant du portail d’entrée à la porte du garage et recouvert d’une remarquable mosaïque constituée d’une multitude de pièces, fruits du progrès et de la modernité, qu’il est convenu d’appeler « pavés autobloquants ».

Vous êtes-vous jamais penché sur ce type de merveilleux assemblage illustrant la puissance du génie humain au service du confort bourgeois ? Cela est ni plus ni moins qu’admirable.

Les pavés dont je suis l’heureux propriétaire se présentent sous forme de pseudo parallélépipèdes, agglomérés de béton, ourlés de vaguelettes, déclinés en tons naturels ou teintés. La plus grande de leurs faces possèdant une longueur deux fois supérieure à sa largeur, ces pièces permettent de décliner à l’envi toutes sortes d’imbrications, de la plus élémentaire à la plus complexe.

Je mis un certain à définir l’élément de base de ce revêtement. Si le prolongement de l’arête ondulante de certains de ces pavés pouvait constituer une ligne droite directrice qui n’avait pour limites que celles de la zone revêtue, d’autres venaient systématiquement buter sur le milieu du pavé voisin qui s’opposait, en perpendiculaire, à la propagation de l’onde interstitielle. Je remarquai alors que ces pavés contestataires étaient toujours assemblés par paires dont un seul élément était teinté. Constatant que ce phénomène observé localement se perpétuait partout ailleurs, je définis finalement l’élément de base comme l’agrégation de trois pavés : un rose toujours disposé, dans sa longueur, en parallèle d’un gris alors que le troisième, gris également, opposait sa propre longueur parallèlement à la largeur des deux premiers. Prenant de la hauteur, je constatai alors que les pavés colorés formaient une série de lignes pointillées parallèles et rosées qui zébraient harmonieusement l’ensemble de la surface.

Mes considérations sur le type d’assemblage choisi ainsi que sur la multiplicité d’autres agrégations potentielles furent pour moi l’occasion d’un délicieux voyage en des contrées géométriques que je ne me lassai pas de parcourir.

Et d’ailleurs, à propos de voyage, me revint en mémoire une phrase lue récemment et attribuée à Ross Chambers, linguiste et professeur d’université : « Celui qui voyage pour arriver n’est pas un voyageur ». Cette association d’idées me permit alors de partir, en pensée, sur d’autres sentiers.

Pour dire vrai, ce n’est pas tant l’activité en elle-même que le périple intérieur qu’elle me permit de réaliser qui fut passionnant.

Quelle était la nature de cette activité ?

Le nettoyage, à l’aide d’un outil d’un autre siècle détourné de sa fonction première, de la surface mais surtout des contours de ces pavés envahis par la mousse.


 

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