dimanche 23 mai 2021

                                                                                                  Noli me Tangere, Titien, v.1514, détail

Hier après-midi, j’ai versé des larmes.

Et je me disais que j’allais commencer, aujourd’hui, par vous raconter que j’avais pleuré comme une madeleine.

Mais en fait, non.

Pourquoi ?

Parce qu’en vérité, si je n’ai pu ou voulu contrôler le flux de mes glandes lacrymales, je ne l’ai pas fait à l’instar des petits gâteaux chers à Marcel ce qui m’a d’ailleurs rassuré car je trouvais, en y réfléchissant, que l’expression n’avait aucun sens ou, au mieux, qu’elle était méchamment capillotractée.

Je me disais : « Pourquoi pleure-t-elle la madeleine à Marcel ? Bon, elle s’amollit dans une tasse de thé, il la récupère à la cuiller et puis, sur le trajet de la tasse à la bouche, elle suinte et laisse s’échapper quelques gouttes » mais vous avouerez avec moi que l’image n’est pas des plus parlantes.

Ou bien encore: « Le goût de la madeleine provoque chez lui une réminiscence qui le rend nostalgique voire mélancolique et du coup, il se met à pleurer » mais là, ce n’est pas la madeleine qui pleure, c’est son prédateur et, dans ce cas, on serait plus avisé de dire « pleurer comme un Marcel » avec une majuscule à Marcel car sinon, cela pourrait prêter à confusion.

À confusion ? À voir… À voir car « pleurer comme un marcel » pourrait assez facilement s’expliquer, avec un minimum d’imagination, si l’on considère que ce maillot de corps, porté par les ouvriers, paysans et autres tâcherons était souvent imbibé de sueur susceptible de perler à l’essorage.

Quoi qu’il en soit, si l’une de ces images paraît un chouia plus explicite que l’autre, on ne fait quand même pas dans la simplicité. Si on disait « pleurer comme une éponge » ou « pleurer comme une passoire à nouilles », je ne sais pas vous mais, pour ma part, je visualise quand même plus facilement.

Du coup, j’ai fait mes petites recherches. J’ai fait mes petites recherches et j’ai trouvé ce que vous saviez peut-être déjà mais que j’ignorais. J’apprécie chez moi, outre la délicieuse sensation que me procure parfois l’ondulation de ma chevelure dans le vent, cette ignorance qui me réserve souvent le bonheur de petites découvertes qu’il m’arrive régulièrement, je dois bien l’avouer, d’oublier pour me ménager la possibilité de les découvrir à nouveau ; Alois*, sors de ce corps !

Je me suis donc plongé dans les évangiles. Enfin, pour être tout à fait précis, dans une de mes évangiles et dans l’une des évangiles.

Celle qui m’est propre est l’évangile selon Alain Rey autrement dénommée « Dictionnaire historique de la langue française ». J’y ai appris qu’on ne disait pas « pleurer comme une madeleine » mais « pleurer comme une Madeleine », cette Madeleine n’étant autre que Maria Magdalena, la pécheresse repentie de la légende chrétienne.

À partir de là, j’ai rebondi pour tomber sur le Luc, le Luc de l’évangile selon Saint Lui qui ne dit pas autre chose que ceci :

« Et voici, une femme pécheresse qui se trouvait dans la ville, ayant su qu’il était à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d’albâtre plein de parfum, et se tint derrière, aux pieds de Jésus. Elle pleurait ; et bientôt elle lui mouilla les pieds de ses larmes, puis les essuya avec ses cheveux, les baisa, et les oignit de parfum. » (Luc 7:37-38)

Je crois bien que je vais garder tout cela sous le coude pour le ressortir en classe la prochaine fois que j’aurai à expliquer aux futures élites de la nation l’importance des majuscules.

 

* : bon, alors là, j’ai été tenté de mettre des trémas sur le « i » de « Alois » mais j’ai bien vérifié qu’il n’y en avait pas car le prénom doit se prononcer à l’allemande (en distinguant toutes les lettres). J’ai également fait précéder ce mot d’un point-virgule pour bien signifier qu’il s’agissait d’un nom propre car, si j’avais mis un point, la majuscule du prénom aurait pu passer pour une bête majuscule de début de phrase et vous vous seriez demandé qui était l’abscons qui se cachait derrière l’expression « alois, sors de ce corps ! » faisant la même erreur grossière que lorsqu’il évoque les « boules qui est-ce ? » (tout le monde sait bien que l’on doit parler de « boules qui sont-ce ? » et qui aurait du, à tout le moins, choisir entre « aloi, sors de ce corps ! » et « alois, sortez de ce corps ! ».

 

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