dimanche 13 janvier 2019


Je me sens tout petit. Tout petit et excentré. Excentré en ce sens que j’ai l’impression troublante de ne pas être au centre du monde, de ne pas être l’astre de référence autour duquel tout gravite. C’est assez dérangeant comme sensation. Je ne suis pas loin de penser que la grande machine cosmique ne se trouverait en aucun point déstabilisée si je n’en faisais pas ou plus partie. C’est un peu comme si j’étais insignifiant, infime ou inexistant.
J’ai pourtant tous les symptômes de la cénesthésie (c’est un nouveau mot que je viens d’apprendre), de la sensation de ma propre existence. Face au miroir, le tain de la glace ne reflète pas le mur auquel je tourne le dos. Aux toilettes, comme dans la poubelle de la cuisine, je suis à même de constater l’existence de ce que je produis, des déchets la plupart du temps. Si je sors dans la rue et que je viens à croiser ma voisine, elle me salue en m’appelant par mon nom. Et, comme disait Jean-Paul (celui qui n’était pas marié à Simone), nommer c’est faire exister. Du coup, je conjugue à la première personne le verbe être, grâce ou à cause de la voisine mais pas que.
J’existe donc. Au sens étymologique, ex(s)istere, je sors de… Je sors du ventre de ma mère, je sors du lit pour aller travailler, je sors de la maison pour que la voisine me salue, me nomme et me confirme bien que je sors de…, et cætera. Les preuves sont accablantes.
Alors d’où me vient cette impression que ma propre existence, au sens philosophique cette fois, est une infox (celui-là, je le connais depuis quelque temps déjà, ça fait un peu novlangue mais c’est un bon vieux mot-valise bien de chez nous et, rien que pour ça, je l’aime) ? Je crois que c’est une question d’échelle et, comme je l’évoquais tout au début du texte, de système, d’astronomie en fait. Je me trouve malencontreusement, ou pas d’ailleurs, placé à l’interface entre deux mondes. Celui de l’infiniment petit dans lequel je me sens infiniment grand et celui de l’infiniment grand dans lequel, vous l’aurez deviné, je me sens infiniment petit.
Dans le premier de ces systèmes, héliocentré, le soleil c’est moi. Mais, peut-être parce qu’il y fait trop chaud, peut-être parce que je m’y sens un peu à l’étroit, peut-être parce que je laisse autrui dans l’ombre, je ne m’y sens pas particulièrement à l’aise.
Je me sens mieux si je me définis en tant qu’infinitésimale partie du second même s’il y fait plus froid, s’il y a tellement d’espace que je m’y perds et si je n’y fais d’ombre à personne. En contrepartie, mon esprit est un peu flou, j’ai du vague à l’âme.
Alors que faire dans ce monde-là ? De la lumière ? Exploser ? Émettre des photons pour afficher ma photo partout ? Ou bien rester à ma place ? Jouer mon rôle de petit grain de sable insignifiant et pourtant (sans une once de présomption) essentiel sur la plage universelle ?
Je penche pour la deuxième solution et je devrais même, si j’étais un peu moins velléitaire, tenter de contribuer à gripper, quand l’occasion se présente, certaine machine inhumaine aux rouages trop bien huilés.

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